Double jeu (vidéo)

▴ Rencontre avec Maurice Balimaka Mango

[2017] À quinze ans, Maurice est passionné par les sciences, adepte de break dance qu’il pratique en semi-professionnel, et dans le temps qui lui reste, il chante. Forestois depuis toujours, il parle quatre langues (français, lingala, espagnol, anglais), héritage lié à ses origines multiples. Maurice s’adonne aux jeux vidéo depuis l’âge de six ans. L’été dernier, au BRASS, il a participé à un stage de jeu vidéo mené par Benoît Brunel.

Au BRASS, Benoît a mis en place des stages et des ateliers autour du numérique, et en particulier autour du jeu vidéo. Tu as participé au premier stage Jeu vidéo. Peux-tu expliquer en quoi cela consistait ?

On était dix jeunes entre dix et treize ans. On joue tous aux jeux vidéo, mais avant ce stage, on n’avait jamais pris du recul, on n’avait jamais cherché à comprendre le message qui était caché à l’intérieur. Benoît nous a fait comprendre que chaque jeu porte un message.

 

Vous ne vous connaissiez pas auparavant ?

Non. Au début, c’était dur et drôle en même temps : on ne se parlait pas, on se dévisageait. Après, on a appris à se connaître, on a fait beaucoup de débats sur ce qu’on pensait. Il y a par exemple eu un débat entre nous sur les jeux soi-disant “libres”, sur les “mondes ouverts”, comme GTA (Grand Theft Auto), dans lesquels on est supposés pouvoir faire ce qu’on veut (comme dans la vie). En réalité, on ne peut faire que ce qui est codé, prévu par le jeu.

 

De quoi d’autre avez-vous débattu ?

On a beaucoup parlé de Horizon Zero Dawn, un jeu où on est obligé d’incarner une fille. Ce jeu nous a poussé à discuter du fait que les jeux évoluent petit à petit car avant, c’était surtout les garçons qui étaient mis en évidence : les grands musclés, les blonds baraqués qui sauvent tout le monde. Les filles étaient mises en avant bizarrement, elles étaient souvent à moitié dénudées ; c’était vraiment parti loin dans ces histoires-là.

“Link devait toujours sauver la princesse Zelda. Comme si Zelda ne savait pas se sauver elle-même.”

Par exemple ?

Le jeu Zelda, c’est l’exemple qui prouve que la femme ne servait à rien. Link devait toujours sauver la princesse Zelda. Comme si elle ne savait pas se sauver elle-même. Et dans Mario, la princesse se baladait dans tous les châteaux et ne pouvait pas se débrouiller seule. Maintenant, vu qu’il y a davantage de développeuses, ça s’équilibre.

 

Est-ce que tu joues à un jeu atypique, qui n’a pas la violence des jeux vidéo ?

Oui, “Journey”, un jeu que Benoît m’avait proposé d’ailleurs. C’est un jeu plus contemplatif, où on incarne un personnage qui se balade dans les déserts, dans différents environnements. Ce qui fait apprécier le jeu c’est surtout les décors. C’est magnifique.

 

Maintenant, quand tu joues, qu’est-ce qui a changé ?

Je joue avec conscience cette fois-ci. Je ne joue pas juste pour jouer, mais j’essaie de comprendre (pas seulement le jeu en lui-même, mais ce qu’il essaie de me transmettre). Pour moi le jeu c’est devenu un « double-jeu ». J’ai en quelque sorte ouvert les yeux.