Rap à l’ombre

▴ Rencontre avec Barbara Decloux et Brune Campos

rencontre

[2019] En mai, c’est une TRIPARTITE hors du commun qui fera vibrer le BRASS : la soirée mettra en lumière un projet ambitieux autant que mouvant, MURMUZIEK. Depuis début 2018, à la prison de Forest, des détenus se livrent, à travers l’écriture, le slam, l’improvisation, le human beatbox et le chant, lors d’ateliers hebdomadaires animés par trois artistes : Carl Roosens, Brune Campos et Damien Magnette. Cette collaboration entre les murs a donné lieu à d’incroyables morceaux, un résultat tellement efficace musicalement que le label Vlek projette une sortie vinyle. On en parle avec la performeuse Brune Campos (qui avait coordonné la Zinnode de Forest lors de la Zinneke 2016) et avec Barbara Decloux, du Centre Culturel Jacques Franck (St-Gilles).

Barbara, peux-tu nous raconter la genèse de Murmuziek ?

Barbara : SLAJ-V (le service laïque d’aide aux justiciables et aux victimes) a contacté le Jacques Franck pour monter un projet en lien avec la musique à la prison de Forest. J’ai directement pensé à Carl Roosens (qui est chanteur, parolier et musicien au sein des groupes Facteur Cheval, Les Hommes-Boîtes, Péritelle…). Carl, très motivé, a proposé qu’on associe Brune au projet. Puis on cherchait un ingénieur du son, et Damien (The Wild Classical Music Ensemble, Zoft, Facteur Cheval…) s’est ajouté. Ils sont tous les trois un peu fous, ils n’ont pas peur d’aller vers ce qu’ils ne connaissent pas, sont sauvages, généreux et optimistes.

 

Connaissiez-vous le passé des participants aux ateliers, la raison pour laquelle ils sont en prison ?

Barbara : Non. On s’en fout, ça ne nous regarde pas. Les gens ont tendance à penser les détenus comme une masse sombre, hostile, une incarnation du mal. Or il s’agit d’individus avant tout, dont on oublie presque, parfois, qu’ils sont condamnés.

 

Quel est ton rôle dans ces ateliers, Brune ?

Brune : C’est de leur proposer avec Carl des thématiques pour faire des morceaux communs. Pour soutenir ce travail, j’essaie d’apporter des livres. Je suis en contact avec la bibliothèque de Forest, qui pour chaque thématique, prépare une sélection de bouquins. Les gars peuvent alors s’inspirer de ces lectures pour écrire. Mon rôle c’est aussi de les encourager en étant au plus proche de leur désir.

 

Brune, tu dis de cette expérience qu’elle vous touche profondément, et aussi vous nourrit en tant qu’artistes. Dans quel sens ?

Brune : Je pense que ce qui nous touche dans ce travail, c’est que les participants sont dans une réelle nécessité de s’exprimer, de faire sortir des choses d’eux. Il y a une grande générosité de leur part. Et nous, on ressort à chaque fois de la prison avec une énergie de feu.

 

À la fin de la première série d’ateliers, vous avez diffusé sur internet les quatre premiers morceaux enregistrés et organisé un concert à la prison. Vous avez eu beaucoup de retours très positifs, y compris de la part de professionnels de la musique. Étiez-vous étonnés ?

Barbara : Au départ, on ne savait pas du tout ce qui allait ressortir de ces ateliers, c’était le mystère complet. On ignorait quels types de détenus allaient s’inscrire, s’ils étaient motivés, s’ils avaient déjà fait de la musique ou pas… Le fait est que certains des participants sont des rappeurs professionnels, et écrivent des textes très forts. Ajouté à cette solide base, le fait qu’aucun instrument de musique n’est entré en prison et que tous les sons sont réalisés à la voix… Cela donne ce résultat musicalement assez dingue et complètement inattendu !

 

Écouter Murmuziek sur Bandcamp

 

Atelier à la prison de Forest. Photo : © Zorobabel