Art dans l’espace public

▴ Rencontre avec Helder Wasterlain

[2016] Pour que chacun puisse être amené à voir la ville d’un autre œil, les artistes sont, de plus, encouragés à investir les espaces publics : les parcs, jardins, places, rues, trottoirs, boîtiers électriques, façades, fenêtres, arbres, ronds-points… Derrière les appels à projets artistiques dans l’espace public, il y a la volonté de provoquer des interactions entre l’art et les habitants, à inciter à la rencontre… à l’instar du travail de Helder Wasterlain, montré l’année dernière, lors de l’exposition Coups de Cœur du Parcours d’Artistes : son projet Schmilblick impliquait la participation active des habitants de la rue de Mérode, qui se déploie de Saint-Gilles à Forest.

En quoi consistait ton projet ?

J’ai voulu demander aux habitants de la rue de me montrer un objet qui les définissait. Un objet qui les représente le mieux possible : en termes de profession, de pays d’origine, de souvenirs personnels… « Le Schmilblick », ça signifie : « une chose qui sert à tout et à rien ». Je voulais ensuite prendre en photo cet objet, et enfin, afficher ces photos sur les fenêtres des maisons de la rue.

 

Comment as-tu procédé ?

Je suis allé sonner chez les gens. J’ai fait comme quelqu’un qui vend des livres, du porte-à-porte… Et cette rue n’est pas forcément facile du point de vue de l’accès à l’humain. D’autant plus que les gens qui y vivent ne sont pas toujours familiarisés avec les pratiques artistiques. Je suis entré chez des Marocain.e.s, des Chilien.ne.s, des Italien.ne.s, des Grec.que.s, des Espagnol.e.s, des Français.e.s, des Hollandais.e.s, des Polonais.e.s. Ce sont des gens qui rentrent du travail fatigués, qui ont plein de soucis, qui habitent parfois dans des conditions difficiles. Je suis allé chez des artistes, aussi, qui s’intègrent dans un milieu populaire, et qui ont fait le choix d’habiter ici.

 

Le plus facile, c’est de prendre la photo. Le plus difficile, c’est de prendre contact. D’entrer chez les gens.

 

Peux-tu nous donner un exemple d’objet que tu as photographié ?

Une fille m’a par exemple montré 9 cahiers remplis du début à la fin. Elle notait tout ce que son voisin faisait. Depuis 4 ans. La première fois que je suis entré chez elle, elle m’a demandé si j’étais flamand. « Non, je ne suis pas flamand. J’ai vécu toute ma vie au Portugal. » Son voisin (dont elle consignait la vie sur ses cahiers) était lui aussi portugais. Ça commençait mal ! Cette fille vivait avec sa mère, toutes les deux étonnantes, au chômage, elles passaient leur temps à regarder la télévision en fumant. Vers 16 heures, le soleil se couchait déjà sur la rue de Mérode, et je me souviens qu’il y avait ce faisceau de lumière enfumée qui traversait la pièce, comme dans un casino… Au final, j’ai pris la photo d’une page de cahier.

 

Un autre exemple ?

Oui : Isabelle, elle travaille à la bibliothèque de Forest. Elle a une super collection de casse-noisettes, elle est folle de ça.

 

Pourquoi as-tu eu envie de mettre en œuvre ce projet ?

Même si j’ai la nationalité belge par mon père (un vrai brusseleir), mes racines ne sont pas encore ici. J’ai vécu 33 ans au Portugal. Alors, j’ai pensé : Pourquoi l’art ne pourrait-il pas me donner ces racines, me permettre de comprendre les gens qui vivent ici ?

 

Comment te présentais-tu quand tu frappais à la porte des habitants du quartier ?

Je n’ai pas du tout mentionné le terme « artiste » lorsque je me suis présenté aux habitants. Je me suis présenté le plus humblement possible, en tant que « Helder », qui fait tel projet. Je ne voulais pas qu’ils aient peur. Et en même temps, je voulais faire un travail artistique qui me sorte de ma bulle de confort. Tu as un peu peur à chaque fois que tu sonnes chez les gens ! Pourquoi ces inconnus vont-ils t’ouvrir la porte? Qui es-tu pour venir et leur demander un objet ?