Au pays des explosions créatives

▴ Rencontre avec Carl Roosens

[2018] Au BRASS, le son entre par toutes les fenêtres : concerts, installations, séances d’écoute, bidouillages sonores à base de jouets, spectacles musicaux pour enfants… En octobre, le Bruxellois Carl Roosens vient jouer Le Petit Poucet et l’usine à saucisses, un concert visuel qui revisite le conte de Perrault, en y apportant une touche à la fois déjantée, punk et grinçante. Si Carl est déjà familier de la scène du BRASS où il s’est produit avec différents projets musicaux (Facteur Cheval, Péritel), il s’associe cette fois au duo rock français Savon Tranchand : des artistes qui, comme lui, voguent entre les arts visuels et la musique. Rencontre avec ce raconteur d’histoires au vitriol, friand de rencontres artistiques étonnantes, voire détonantes.

La tranquille petite maison où vivait le petit Poucet a disparu sous des tonnes de béton. Une grande zone commerciale a été construite à la place et pire, les parents de Poucet ont disparu. Avec ses six frères, Poucet part à leur recherche, au milieu des magasins obscurs, jusque dans la grande usine à saucisses de l’inquiétant Monsieur Grogra…

 

Il était une fois trois créateurs tous azimuts, Carl, Benoît (Preteseille) et Sophie (Azambre le Roy) qui décidèrent de raconter Le Petit Poucet à la sauce d’aujourd’hui. « On avait envie que les enfants (mais aussi leurs parents) se marrent. Tout en rigolant, on laisse passer des petites idées… On voulait parler de la ville qui s’étend de manière insensée et de ces zones qui, petit à petit, sont grignotées par des constructions improbables, des centres commerciaux, du béton. On évoque aussi, en passant par le rire, la question de la surconsommation de viande.» Sur scène, armés d’un rétroprojecteur, de dessins, de décors en carton, de claviers et d’une guitare électrique, ils s’amusent eux-mêmes beaucoup. « On demande au public d’intervenir dans le spectacle, et j’adore me promener au milieu des enfants. » Carl est particulièrement emballé par les réactions qui font suite à l’explosion de l’usine à saucisses « Ça, c’est un grand moment ! Les saucisses pleuvent sur les spectateurs et là, vraiment, je crois qu’ils n’en reviennent pas. C’est l’extase de recevoir des saucisses. »

 

© Sophie Azambre Le Roy

La société fonctionne tellement en huis-clos. Rencontrer des gens qu’on a toutes les raisons de ne jamais croiser et fabriquer des choses ensemble, ça fait un bien fou.

Lorsqu’il ne fait pas exploser des usines de saucisses, lorsqu’il ne fait pas hurler de rire des enfants et leurs parents, Carl intervient régulièrement dans des maisons de quartier, des centres pour personnes handicapées et plus récemment, à la prison de Forest. À la demande du Centre Culturel Jacques Franck et de l’asbl Slaj-V, il a dernièrement composé avec des détenus, et avec les artistes Brune Campos et Damien Magnette, des morceaux hip-hop qui l’ont laissé bouche bée : “C’est un projet qui nous a énormément bouleversés. Il y a là-bas des gars vraiment impressionnants – dans leur écriture, leur manière de rapper – qui sont de sacrés artistes.” Carl est convaincu que la co-création avec des personnes issues de différents horizons (professionnels ou pas) est d’une richesse incomparable. “La société fonctionne tellement en huis-clos… Rencontrer des gens qu’on a toutes les raisons de ne jamais croiser et fabriquer des choses ensemble, ça fait un bien fou.”