▴ On en parle avec les frères malas
[2017] Ahmad et Mohamad Malas, comédiens syriens réfugiés en France, ont créé un spectacle inspiré de leur propre expérience, qu’ils ont joué une vingtaine de fois en Jordanie et en France. Les jumeaux viennent montrer cette pièce pour la première fois en Belgique.
Que raconte votre spectacle ?
C’est l’histoire de deux réfugiés à Paris, on ne sait pas de quel pays ils viennent. Ils vivent ensemble dans un petit appartement, ils ne se ressemblent pas et n’ont a priori rien à partager : l’un est très cultivé, l’autre est sportif et peu éduqué. La seule langue que ces deux personnages ont en commun étant le français, ils ne se comprennent pas toujours. Mais ils partagent la nostalgie de leur pays natal et les mêmes problèmes.
À quel point cette pièce est-elle inspirée du texte du dramaturge polonais Sławomir Mrożek (« Les immigrés” , 1975) ?
Nous avons repris des idées de ce texte et nous l’avons adapté. Nous n’avons pas voulu donner de nationalité aux personnages (polonais, syrien, irakien…) pour que notre histoire ait une dimension universelle. Quand nous avons joué le spectacle à Grenoble, des spectateurs de toutes nationalités, réfugiés ou simples immigrés en France, sont venus nous voir en nous disant combien ils se reconnaissaient dans la pièce.
Quel est votre parcours artistique ?
Nous avons tous les deux étudié le théâtre à l’institut d’art dramatique de Damas pour devenir comédiens. Il n’y a pas énormément de théâtre en Syrie, le pays est plus connu pour la production de feuilletons télévisés. Afin de jouer nos spectacles, nous avons créé un théâtre dans notre appartement à Damas. Notre chambre a même été repérée par le Guinness Book des records pour être reconnue comme le plus petit théâtre du monde ; mais le gouvernement syrien a refusé qu’on en parle.
Dans quelles circonstances avez-vous quitté la Syrie ?
Nous avons quitté la Syrie fin 2011. Nous jouions à ce moment un spectacle qui tournait en dérision le gouvernement syrien. Trois amis à nous qui participaient à des manifestations contre le régime ont été arrêtés et sous la torture, ils ont parlé de nous à la police. Nous avons été arrêtés à notre tour. Nous nous sommes échappés, avons fui à Beyrouth puis nous sommes allés en Égypte. Par la suite, nous avons reçu l’invitation du festival FITA (Festival International de Théâtre Action) de Grenoble, ce qui nous a permis de venir en France et d’y rester.
“C’est compliqué de démêler la tragédie de la comédie dans ce spectacle, vu que ce spectacle reflète notre vie, et dans notre vie, on ne sait plus ce qui est drôle et ce qui est triste !”
Vous saviez qu’en faisant du théâtre politique, vous auriez des problèmes…
Oui bien sûr, mais c’était la révolution syrienne, ce que vous, Européens, appelez « les printemps arabes ». Il y avait beaucoup de mouvements politiques et notre arme à nous était le théâtre.
Comment qualifieriez-vous le ton de votre spectacle ?
C’est à la fois tragique et comique. Nous rions de la complexité de la langue française qui engendre des problèmes de communication, ou des moments d’humour autour des difficultés liées à l’administration française ou au métro parisien. Mais en fin de compte, c’est compliqué de démêler la tragédie de la comédie dans ce spectacle, vu que ce spectacle reflète notre vie, et dans notre vie, on ne sait plus ce qui est drôle et ce qui est triste !