Le Lou

→ PORTRAIT DE RÉSIDENT

[2024] Le Lou est le troisième et dernier artiste à entamer le programme de résidences du Parcours Minigolf, un programme d’accompagnement d’artistes sexisé·e·s s’étalant de mars à juin initié par Les Volumineuses, L’atelier210, Le BRASS & Le BAMP avec la Maison Poème. Il fera sa résidence à l’Atelier 210
SI TA MUSIQUE ÉTAIT UN FRUIT LEQUEL SERAIT-CE ET POURQUOI ?
On part sur un jolie panier de fruits qu’on a envie de peindre et de goûter, il y a pleins de couleurs et de saveurs différentes. Ma musique se définit bien comme ça, en termes d’esthétique et de propos. Même s’il y a des fils rouges récurrents, j’aborde pleins de couleurs musicales différentes en termes de prod et d’utilisation de la voix et de la musique Et aussi les thème même s’il y a des choses qui reviennent, je parle de pleins de trucs différents, alors le panier de fruits, ça m’a l’air bien.
COMMENT TU EN ES VENU À FAIRE DE LA MUSIQUE ?
La musique a toujours été présente dans ma vie, dans ma famille, dans mon entourage. Mais le rap, je pense que c’est venu par la culture hip-hop. J’ai commencé la danse hip-hop quand j’étais enfant, j’ai fait beaucoup de théâtre quand j’étais plus jeune et j’ai beaucoup écouté de rap et à un moment, je pense que toutes ces pratiques que j’ai eues dans ma jeunesse ont nourri ce truc et un moment dans ma chambre, j’ai commencé à écrire des couplets de rap en screed comme ça vers 2015-2016. Quand j’ai commencé à les lire devant les potes on m’a dit « oh ça va, c’est stylé !» et puis ça a suffi à booster mon ego pour me dire « ok je vais en écrire plus » et puis voilà ! J’ai commencé à faire un peu des prod et puis après je me suis dis, ok j’ai envie de monter sur cène pour défendre ça, Ok let’s go, on y va quoi !
QUELLES SONT TES SOURCES D’INSPIRATION ?
Déjà, j’écoute énormément de musique, je suis très curieux de tout ce qui se fait, toutes les sorties de rap indépendant francophone. J’essaie d’écouter toute la new gen parce que moi, en termes d’âge, j’en fais plus trop parti mais en même temps c’est une génération que j’aime trop parce qu’on est en train de casser tous les codes de la musique, tu vois, y’a de la pop, de la drum and bass, y a des musiques afro-caribéennes. On est en train de péter les cases de style. J’écoute énormément de musiques différentes, de plein d’époques différentes.
Pour les inspirations de ce que je raconte, bah c’est ce que je vis, ce qui m’entoure. Je parle beaucoup à mes adelphes queer mais sinon je parle d’amour, de fête, de dépression, de rapport à la famille, de rapport au corps. J’aspire pas à faire de la musique trop universelle, j’ai quand même envie d’avoir un propos que le plus grand nombre peut s’approprier. Même si je m’adresse principalement à des personnes queer, j’ai quand même envie d’emmener tout le monde avec moi dans mon propos et que même une personne cis het ( cisgenre hétérosexuelle) puisse s’identifier à ma chanson d’amour par exemple. J’ai envie de faire vibrer un truc à l’intérieur des gens queer ou pas queer.
J’ai quelques morceaux qui sont plus politiques que d’autres mais on a toujours peur ou on a longtemps eu peur de l’étiquette rap conscient, rap engagé parce qu’il y a peut-être une dimension trop moralisatrice, trop « moi je sais des choses que vous ne savez pas » et ça, je veux absolument l’éviter. Mais le rap est politique par essence, rapper quand t’es une personne queer c’est politique par essence. Donc oui, que je le veuille ou non, même si je rappe juste sur ma nouvelle paire de pompes ou sur le fait que je flex ou sur des histoires d’amour, ce serait quand même politique. J’apporte avec parcimonie des phases politiques dedans mais c’est pas non plus tout ce qui constitue mon projet. J’ai aussi envie de juste faire la teuf, j’essaye de trouver l’équilibre.
QUEL EST TON PROCESSUS DE CRÉATION ?
Je suis un affreux gémeau, j’ai pas de discipline précise. Je passe beaucoup de temps dans les transports et donc ça c’est vraiment le truc, je fais tourner en boucle des prod que ce soit sur Spotify, Youtube, des prod que l’on m’envoie par mail, des prod que j’ai faites. Donc j’écris un peu au feeling. Après, sinon, ça peut aussi être des moments où je vais me poser chez moi une, deux, trois journées entières où je vais commencer des prod et écrire en fonction. Des fois c’est le texte qui va me dire « il me faudrait ce genre d’instru » et des fois c’est une instru qui va me dire, « oh wow, j’ai envie d’écrire ce genre de texte ». Mais j’e n’ai pas de processus figé, j’ai une auto-discipline assez anarchique.
QU’EST CE QUE TU RESSENS QUAND TU ES SUR SCÈNE ?
Je suis à la maison, c’est mon endroit préféré sur terre je pense. C’est à la fois le lieu où je peux être le plus moi-même et où je peux me permettre le plus d’être un personnage, c’est un peu un mélange des deux. À la ville je suis un peu smooth, à la cool, et sur scène je suis emparé d’une sorte de feu, d’énergie où je donne tout, où je suis à fond et je passe un trop bon moment. Il y a vraiment cette sensation de lâcher prise et de vase communiquant avec les gens, c’est vraiment ce truc-là, d’échanger avec les gens et de transmettre un truc. Ça vient du théâtre, des arts vivants en général. Il existe pas d’autres lieux sur terre pareil.
COMMENT TE SENS-TU EN TANT QUE PERSONNE SÉXISÉ.ES DANS LE SECTEUR DE LA MUSIQUE À BRUXELLES ?
On peut parler de Bruxelles mais l’industrie de la musique en général et la société est très en retard. Que ce soit sur des questions d’équité binaire femme/homme que sur des questions « d’inclusivité », tout ce qui est personnes queer on y est pas encore. Il y a plein de programmes de mentorat pour les femmes qui commencent à apparaitre, des dispositifs d’accompagnement où on parle beaucoup de Women on stage et c’est très bien mais du coup en tant que personne queer et personne trans, les programmes d’accompagnements sont pas encore tout à fait pour nous. J’ai l’impression qu’en Belgique, en comparaison avec la France, le terme Finta est beaucoup plus démocratisé, on a ouvert, on a arrêté de dire juste les femmes et on prend toutes les personnes sexués·es en compte, donc je trouve cool et c’est trop bien qu’il y ait plein de petites initiatives qui germent à droite à gauche. Mais on y est pas encore.
En tant qu’homme trans, il y a de plus en plus de festivals qui te demandent ton genre quand tu candidates et qui veulent de la parité mais quand t’es une personne queer, bah si maintenant je coche Homme, je vais pas être pris pour des questions de quota, alors, qu’en fait, je suis aussi une minorité de genre. L’industrie en général n’a pas tout à fait compris tous les enjeux qu’il y a autour du genre, des minorités de genre et de la parité et l’équité.

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* Adelphe (adelphité) : terme plus inclusif, regroupe à la fois la fraternité et la sororité, sans dimension ni mention genrée ; et désigne la solidarité entre ses semblables, qu’ils soient hommes, femmes ou non binaires.

** FINTA : Femmes, personnes Intersexes, personnes Non-Binaires, personnes Trans ou Agenre