La BD ça s’apprend ?

▴ Rencontre avec Fanny Michaëlis

[2019] Il y a deux ans, la salle des machines du BRASS s’était retrouvée pendant quelques semaines somptueusement habitée par l’univers de FranDisco*, une ville imaginaire entre bande dessinée et carton-pâte.
En novembre, ce sont 50 ans de bande dessinée qui débarqueront au BRASS, avec les planches de jeunes auteur.e.s qui font ou ont fait leurs armes à l’École Supérieure des Arts Saint-Luc.
Fanny Michaëlis est l’une des singulièr.e.s auteures qui ont été formé.e.s dans ce vivier bruxellois où s’écrit une partie de l’histoire de la BD contemporaine. Également illustratrice pour la presse et la jeunesse mais aussi chanteuse et bassiste du groupe Fatherkid**, Fanny participera à une table ronde avec d’autres auteurs emblématiques passés par l’atelier de bande dessinée de Saint-Luc. Lors d’un live sur la scène du BRASS, elle nous ouvrira les portes de sa galaxie musicale.

 

 

Il y a une quinzaine d’années, alors étudiante en peinture à l’école des Beaux-Arts de Paris, Fanny décide en cours de cursus de passer le concours de l’Institut Saint-Luc en bande-dessinée, pour suivre son désir de mêler images et narration. Elle quitte Paris pour Bruxelles sans trop savoir ce qui l’attend. «Je suis bien tombée !», confie-t-elle, «car dans cette école, il y a une culture très libre de la bande dessinée, dans l’esprit BD d’auteur, de création. Avec une ouverture du côté des arts plastiques et de l’art contemporain. Les références qui y étaient transmises en matière de récit et d’esthétique me parlaient, parce qu’elles relevaient toujours un peu de l’expérimental.» Pour Fanny, la rencontre avec les autres étudiant.e.s et les enseignant.e.s y a été fondamentale. «Thierry Van Hasselt, Eric Lambé etc… sont eux-mêmes passés par Saint-Luc. Ils ne sont pas seulement enseignants, ils ont une pratique en tant qu’auteurs et en tant qu’éditeurs».

 

À l’issue de sa formation, Fanny enchaîne rapidement les publications*** et les illustrations pour différents journaux (Le Monde, Libération, les Inrockuptibles…). Depuis plusieurs années, elle mène aussi des ateliers avec des publics issus d’horizons très divers, de l’Université d’Amiens aux étudiant.e.s de la Bezalel Academy (Jérusalem), en passant par des collégien.ne.s de la banlieue parisienne. Au sujet de ces derniers, elle raconte : « Certains identifient mal ce qu’est la BD. Leur culture se nourrit davantage de mangas et de jeux vidéo. »

Dans ce contexte, Fanny sait que son travail peut désarçonner. « J’ai été confrontée à des réactions assez abruptes, mais qui ouvrent toujours sur des débats passionnants.

« Quand on est habitué à subir et consommer de l’image commerciale, on peut se sentir beaucoup plus dérangé, agressé, par les images nourries par un imaginaire. »

 

Un jour, alors que je présentais à des lycéens mon livre « Géante » (éd.Cornélius) qui parle des débuts de la sexualité d’une jeune fille, un des jeunes s’est senti très heurté par une scène d’amour, dessinée au crayon gris avec pourtant une certaine pudeur. Ça a été le début d’une discussion très intéressante, car avec internet, les jeunes sont exposés très tôt à des images érotiques voire pornographiques, sans aucun doute bien plus crues que ce qui était montré dans ce dessin. »

Ce vif échange amène Fanny à cette réflexion : « Quand on est habitué à subir et consommer de l’image commerciale, on peut se sentir beaucoup plus dérangé, agressé, par les images nourries par un imaginaire qui échappe tout à coup à ces codes. »

 

 

* Vivre à FranDisco, de Thierry Van Hasselt et Marcel Schmitz
** Duo avec le dessinateur et musicien Ludovic Debeurme
*** Aux éditions Cornelius et Thierry Magnier

 

En 2020 Fanny Michaëlis sera en résidence à la Ferme du Buisson – scène nationale de Marne-la-Vallée. Une exposition lui sera dédiée dans le cadre de l’édition 2020 du festival PULP.