▲ Moussa H’Neif
[2021] Moussa grandit en face de la brasserie Wielemans-Ceuppens désaffectée, à faire, entre autres, des tours de vélo sur le parking converti en décharge de pneus. Dans les années 2000, la brasserie est rénovée, le BRASS et le WIELS voient le jour. Quand il a une vingtaine d’années, Moussa y fait des petits boulots, de la garde d’expositions à la distribution de flyers en passant par les coups de main au bar. À 30 ans aujourd’hui, il habite toujours en face du centre culturel, où il est devenu chargé des projets liés aux dynamiques citoyennes. Conversation sur la vocation de cet enfant du quartier à faire du lien.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours jusqu’ici ?
J’ai arrêté l’école en 3è ou 4è secondaire, fait de la plomberie, du chauffage central, et travaillé sur des gros chantiers. Quelques années plus tard, j’ai suivi une formation en animation ; j’ai été bénévole au BRASS et au WIELS, puis j’ai été engagé par le BRASS en 2015 en tant qu’interlocuteur auprès des jeunes. Ensuite j’ai travaillé jusqu’à il y a quelques mois à l’accueil du BRASS (j’étais aussi responsable de la billetterie). Ça m’a permis de côtoyer des publics très différents, entre les enfants qui viennent tous les jours à l’école des devoirs (ainsi que leurs parents), les visiteurs d’expos ou encore le public du soir, qui vient de tout Bruxelles pour des concerts d’électro, de rock etc. En parallèle, le soir, je travaillais comme chauffeur Uber. J’adore discuter, taquiner, aider à trouver des solutions quand il y a des problèmes… Il y a un an, j’ai commencé à animer les stages de vacances avec mes collègues, j’ai vraiment pris du plaisir à le faire. Tout ça additionné, je crois que j’ai vraiment trouvé ma vocation.
Ce que me fait vraiment vibrer, c’est le contact humain !
Quelle est-elle, cette vocation ?
Ce que me fait vraiment vibrer, c’est le contact humain ! Que ce soit avec les enfants, les adultes ou les seniors… Avant, si on me demandait « Tu voudras faire quoi plus tard? », je n’aurais pas su répondre. Mais ce que je sais aujourd’hui, c’est que j’aime tout ce qui crée du rassemblement, de la convivialité, de la solidarité… Pas seulement dans le cadre de mon travail d’ailleurs ! Dans ma vie en général (pas grand monde ne le sait, mais la nuit, je fais aussi pas mal de choses, comme des tournées pour distribuer des colis alimentaires à des personnes sans toit…).
Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes missions au BRASS aujourd’hui ?
Mon rôle, aujourd’hui, c’est de créer des événements (réunis sous le nom « Quartier Général ») qui permettent à nos publics de se rencontrer : avec mes collègues Quentin (qui s’occupe de la programmation musicale), Déborah (projets jeune public) et Benoît (projets liés au numérique), on touche au BRASS des publics qui ont des envies et des besoins très différents. Dans le prolongement de ça, ma mission est d’ouvrir les portes du BRASS à des collectifs ou associations qui luttent pour les droits de personnes exclues (sans papiers, sans logement etc). On accueille régulièrement, par exemple, le syndicat des IMMENSES (« Individus dans une Merde Matérielle Énorme mais Non Sans Exigences »). Et c’est passionnant ! Par ailleurs, je m’occupe de recruter des bénévoles pour de l’aide technique, des montages d’expo, le bar etc.
Tu connais Forest comme ta poche ; en quoi est-ce important ?
C’est sûr que je connais le terrain, j’y ai grandi. Je suis tout le temps en relation avec les voisin.e.s, le milieu associatif… Ce qui tombe bien, vu qu’au BRASS (ma deuxième maison), il y a une volonté très forte d’être de plus en plus à l’écoute des habitant.e.s. Je pense que, même s’il continue à y avoir une programmation musicale assez pointue par exemple, les propositions du centre culturel sont véritablement ancrées dans la réalité du quartier où il y a une grande diversité : ateliers bricolage, tricot, chant, slam, workshops autour du numérique, spectacles, stages pour enfants et ados etc…
Tu organises, entre autres, des ateliers Fabriktou ; peux-tu expliquer ?
On part de matériel de récup (principalement du bois) et on mène des ateliers dans l’espace public avec des habitant.e.s de tous âges pour construire du mobilier urbain, notamment des bancs ou une boîte à livres. Au parc Marconi par exemple, il y avait Monique – pas loin de 80 ans – qui était très motivée, et des gamins de primaire qui touchaient parfois une scie pour la première fois de leur vie. Ce qui est gai, c’est de les accompagner pour qu’ils fassent eux-mêmes, et de voir à la fin comme ils sont étonnés et fiers de leurs réalisation. Ça me rend fier aussi de les avoir aidés.