+ d’un groupe dans son sac

▴ Rencontre avec Damien Magnette

 

[2016] La Tripartite a lieu cinq fois par saison au BRASS. À chaque fois, un musicien (belge ou étranger) est associé à la programmation en invitant deux groupes bruxellois à partager un soir la scène avec lui. C’est ainsi que lors de la saison passée, à l’invitation de Castus, Damien Magnette a eu l’occasion de jouer au BRASS avec Facteur Cheval, un groupe dont il est le batteur. Mais le musicien a plus d’un groupe dans son sac : il est également membre de Zoft, Why the Eye ? et The Wild Classical Music Ensemble. Il nous parle de son travail sonore, de ses collaborations, et de la scène musicale bruxelloise en général.

Son premier groupe de rock, Damien Magnette l’a monté quand il avait 10 ans. Il fabriquait alors des guitares en carton. Il a commencé à jouer de la basse à l’âge de 12 ans, et la batterie est venue plus tard.
À Bruxelles, en parallèle de ses études à l’École de Recherche Graphique, le Namurois d’origine a suivi des cours de composition électro-acoustique qui l’ont, dit-il, beaucoup nourri. Depuis, il s’est éloigné des arts visuels pour devenir un touche-à-tout en matière de son, œuvrant à la fois pour des pièces radiophoniques et au sein de quatre groupes de musique.

 

The Wild Classical Music Ensemble est peut-être, parmi ces projets, celui dont la genèse est la plus singulière : un jour, à la fin de ses études, Damien fait un remplacement à l’Atelier 340 à Jette, pour donner des ateliers d’arts plastiques auprès d’un public handicapé mental. « J’ai flashé sur ce public, à la fois humainement et artistiquement. Je découvrais tout un univers qui me scotchait vraiment.» L’envie émerge alors de monter un projet de musique expérimentale avec des personnes handicapées. « J’ai fait des essais avec eux, je trouvais que ça prenait incroyablement bien. Je voyais qu’ils avaient une sensibilité très forte à la musique, et une spontanéité, un talent inné vis-à-vis d’une forme d’improvisation. »

 

Dès lors, Damien se met en quête de partenaires, et fait la rencontre de Luc Vandierendonck, au passé de batteur et aux influences punk, tout comme lui. Luc Vandierendonck est à la tête de l’association wit.h,  qui accompagne les créateurs atteints de déficience intellectuelle. L’association soutient des projets mêlant des artistes « outsiders » et des artistes « réguliers ». « Outsider, c’est le terme qu’on utilise maintenant pour ce qu’on appelait avant art brut », précise le musicien. « L’art brut s’appliquait aux œuvres de malades mentaux. L’art outsider, c’est un terme plus large, ça englobe par exemple une personne qui joue dans sa cave depuis vingt ans et qui se fiche de montrer ce qu’elle fait. C’est un art spontané, né d’une simple envie, sans souci de résultat, sans vision carriériste. »

Avec les résidents de l’asbl wit.h, Damien organise d’abord des ateliers autour de la musique. De fil en aiguille, l’atelier se transforme en véritable groupe jouant un rock hybride un peu improvisé dont il devient le batteur, et qui tourne aujourd’hui au-delà des frontières de la Belgique.

« Il y a un énorme foisonnement sur la scène musicale bruxelloise, mais il n’y a pas assez de scènes alternatives où se produire. »

 

Le batteur déplore qu’il n’existe à Bruxelles pas plus de lieux pour accueillir toute l’offre musicale. « Beaucoup de lieux ont fermé ces dernières années : le Dada bar, le DNA, la Compilothèque, la Parfumerie, des squatts… Le Dada bar et le DNA avaient comme mission de faire jouer les groupes locaux, qu’ils soient bons ou mauvais, dans n’importe quel style musical. C’étaient des sortes de scènes ouvertes. Cela permettait à tous les petits groupes d’avoir l’occasion de jouer sur une scène. Le peu de lieux alternatifs qui restent comme le Barlok ou le Magasin 4 croulent sous les demandes de groupes qui seraient prêts à jouer gratuitement, et seraient même prêts à payer pour jouer. »

 

Damien souligne qu’il existe néanmoins un circuit de diffusion pour le rock expérimental : « Il y a une scène indépendante « Do it Yourself » qui est très vivace et interconnectée. Dès que tu sors de ce réseau (rock noise etc), par exemple pour le hip hop expérimental, il n’y a aucune scène à Bruxelles. Certains styles musicaux sont complètement laissés sur la touche.»

 

Le musicien constate que de manière générale, dès que des artistes sont à cheval entre deux styles, il est beaucoup plus difficile de se produire. « Ce qui marche, ce sont soit les groupes « storytelling », qui ont une démarche définissable en une phrase, comme le Wild Classical Music Ensemble : « Un groupe de punk avec des personnes handicapées ». Soit de la musique festive, dansante – en tant que public, tu sais ce que tu vas voir.»

Le bidouilleur de sons conclut : «Quand le style est un peu ovni, quand on ne peut pas le qualifier en deux mots, ça devient de moins en moins évident de trouver des lieux pour jouer. Mais c’est important qu’on continue à proposer des musiques foncièrement différentes, peut-être moins faciles à appréhender, mais où se fait une vraie recherche musicale.»